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Jeux paralympiques 2024: Pour Arnaud Assoumani, "l'objectif est de porter un message d'égalité"

À 38 ans, le sauteur en longueur multimédaillé est l’un des athlètes français à suivre lors des Jeux paralympiques de Paris. Arnaud Assoumani détaille sa préparation et nous parle de son engagement constant en faveur de l’inclusion.

Cet article est paru dans le magazine Notre Temps , N°657

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Arnaud Assoumani Dézoomer
© Eric Durand

Vous êtes une des chances de médaille française aux Jeux paralympiques de Paris. Comment avez-vous préparé votre épreuve?

Arnaud Assoumani: Il m'a fallu monter régulièrement en puissance en gérant bien la fatigue. Le programme a été intense ces derniers mois, avec des stages de préparation physique en Afrique du Sud et à Barcelone et des entraînements continus à Montpellier, où je vis, et à l'Insep* à Vincennes. C'est aussi une période où l'on est sollicité pour porter un message, avec l'Olympiade culturelle ou la montée des marches du Festival de Cannes avec la flamme olympique, à laquelle j'ai eu la chance de participer. Par ailleurs, je suis une préparation mentale axée sur la concentration et le lâcher prise. Pour être performant, il faut être bien dans sa vie, bien dormir par exemple, mais aussi avoir répété des gestes techniques des milliers de fois pour être capable d'improviser au moment de la compétition, pour devenir alors instinctif, animal.

*Insep: Institut national du sport et de l'éducation physique, situé à Vincennes (94)

Comment avez-vous découvert le saut en longueur?

Arnaud Assoumani: C'est une discipline qui m'a fait rêver dès l'âge de 5 ans. Je me souviens d'avoir vu sauter à la télévision Carl Lewis ou Mike Powell. Les voir courir dans l'air m'avait marqué. Mes parents m'avaient d'abord orienté vers la natation, avec les bébés nageurs ; j'ai fait du basket et du tennis de table. Puis j'ai vraiment découvert l'athlétisme en club lorsque je suis arrivé au collège. Par mimétisme, je parvenais à faire le double ciseau en l'air, qui favorise la longueur du saut. J'ai battu le record du club. J'avais trouvé ma discipline.

Vous avez souvent occupé les podiums, notamment paralympiques, lors d’une carrière déjà longue. Comment gère-t-on la performance sur la durée?

Arnaud Assoumani: Il y a plus d'échecs que de réussites ; les blessures en font partie. Elles signifient qu'on a dépassé une ligne rouge. On se remet alors en cause, comme je l'ai fait après les Jeux de Tokyo. J'y ai fait une contre-performance en sortant d'une grave blessure. C'était après le bronze à Rio et à Athènes, l'argent à Londres et l'or à Pékin. Il faut mettre en place un processus de résilience, en examinant les raisons de l'échec et les raisons de continuer. L'objectif de concourir et de se donner les chances de gagner à Paris 2024, mais aussi celui de porter dans notre pays un message d'égalité et d'inclusion pour changer le regard sur le handicap, étaient des motivations puissantes.

Le 3 septembre, vous concourrez donc en catégorie parasport T47. Que signifie ce code?

Arnaud Assoumani: C'est une classification qui repose sur un principe d'égalité des chances et d'équité. Le T correspond à l'initiale du sport, en l'occurrence T pour "track" – la piste et donc l'athlétisme – et le chiffre est une cotation du handicap. Ici le 4 définit un handicap sur haut du corps et le 7, son importance. Je suis né sans avant-bras gauche, ce handicap est considéré comme le degré le plus faible. Je sauterai avec des athlètes T45, T46 et T47.

Précisément, à quel point un handicap du haut du corps représente-t-il une gêne dans la pratique du saut en longueur?

Arnaud Assoumani: Dans la course, les bras effectuent un mouvement de balancier qui sert de moteur aux jambes et équilibre l'ensemble du corps. Essayez par exemple de courir avec une main dans le dos, et vous constaterez rapidement à quel point vous êtes déséquilibré, ce qui impose à votre corps une compensation importante. Je suis né comme ça ; je compense depuis tout petit. Mon corps est plus musclé du côté droit et c'est un risque de blessure à l'entraînement.

Le port d’une prothèse adaptée est donc déterminant?

Arnaud Assoumani: Oui. Je travaille notamment avec le CHU du Grau-du-Roi (Gard) et le Creps (2) de Montpellier. Il est important d'avoir une prothèse dont le poids est calculé très précisément. 200 grammes peuvent faire une très grande différence à une vitesse de course d'élan à 38 km/h. La répartition du poids est importante également. Ces améliorations pourront aussi faire progresser les prothèses en général.

(2) Creps: Centre de Ressources d'Expertise et de Performance Sportive.

Votre prothèse du bras est spectaculaire, évoquant un corps de guêpe. Pourquoi ce choix?

Arnaud Assoumani: Pour les Jeux de Londres, j'avais lancé Golden Arm (bras d'or, NDLR), un concours de design pour la prothèse que je porte en compétition. Il s'agissait de favoriser cet autre regard sur le handicap et d'aider à ouvrir le dialogue. Ça s'est révélé très puissant. J'ai reçu de nombreux messages de parents qui m'ont remercié ou de personnes handicapées qui se sentaient fières. Hors des stades, je porte aussi des prothèses artistiques créées par le designer Dimitry Hlinka.

Avez-vous souffert de ce handicap?

Arnaud Assoumani: Je n'ai pas été confronté à des malveillances à l'école. Les adultes peuvent intervenir et expliquer. Au collège, à l'âge où l'on développe sa personnalité et où les apparences sont importantes, c'était différent. Un garçon, avec qui je faisais de la natation depuis longtemps pourtant, s'est mis à me traiter de manchot et à me mettre à l'écart des autres. J'ai dû changer d'établissement. J'ai aussi appris à me défendre, à en parler.

C’est pourquoi vous vous êtes engagé?

Arnaud Assoumani: Aujourd'hui, j'interviens en primaire et en collège. Il est nécessaire de faire de la pédagogie. Chacun doit avoir les mêmes chances, c'est une valeur fondamentale, que je promeus au-delà du sport. Le handicap est la première cause de discrimination pour la sixième année consécutive.

Et maintenant, que peut-on vous souhaiter?

Arnaud Assoumani: Au-delà d'une éventuelle médaille, le bonheur de partager un grand moment avec le public français. Sur place, à la télévision, sur les réseaux, l'événement suscitera un énorme engouement. Ce sont nos Jeux nationaux et c'est une chance énorme d'y être. Cela nous marquera tous. 


Biographie express d'Arnaud Assoumani

4 septembre 1985: naissance à Orsay (91)

2004-2009: École de cinéma EICAR, puis Science Po Paris

2004: médaillé de bronze aux Jeux paralympiques d'Athènes

2006: champion du monde de saut en longueur handisport (et de nouveau en 2011)

2008: champion paralympique de saut en longueur à Pékin avec un record du monde

2010: médaille de bronze en saut en longueur championnat de France (valides)

2012: vice-champion paralympique de saut en longueur et de triple saut à Londres

2016: médaille de bronze de saut en longueur aux Jeux paralympiques de Tokyo

2023: 4e place aux championnats du monde de Paris saut en longueur

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