Dr Maxime Valet, médecin et escrimeur handisport: "On a tous besoin de bouger, plus encore en cas de fragilité"

Cet article est paru dans le magazine Notre Temps Santé & Bien-Être
Le sport est-il chez vous une histoire de famille?
Maxime Valet: Mes parents n'étaient pas sportifs. En primaire, un ami m'a fait découvrir l'escrime. Le côté chevaleresque, Zorro, m'a fait rêver, avant d'attraper le virus de la compétition et d'aller assez loin en championnat de France. La perspective de m'y consacrer totalement, de rejoindre un pôle espoir, m'a tenté, mais j'ai choisi la médecine, sans arrêter ce sport. Même quand je me suis retrouvé en fauteuil roulant.
Vous avez donc continué, malgré votre accident. Comment cela s’est-il passé?
Maxime Valet: Entre la troisième et la quatrième année de médecine, en 2009, j'ai fait une chute très grave, sur un chantier où je n'aurais pas dû me trouver. On n'a jamais su ce qui s'était passé, car je ne m'en souviens pas. Quand je me suis réveillé, après trois jours de coma, le médecin m'a vite fait comprendre que je ne remarcherai pas, même si j'avais gardé la sensibilité de mes jambes. C'est forcément un choc immense mais, à vrai dire, je n'ai pas vraiment eu le temps de faire le tour de ce que j'allais perdre dans ma vie. Mes professeurs de fac sont rapidement venus me dire que rien ne m'empêcherait de devenir médecin. J'allais reprendre les cours, et c'est ce qui s'est passé. Même chose pour l'escrime. Mes entraîneurs m'ont tout de suite assuré que je continuerais en fauteuil et qu'ils avaient déjà commandé le matériel nécessaire. Après un séjour en centre de rééducation, où j'ai pu à nouveau goûter au plaisir de bouger, de transpirer, j'ai repris l'entraînement et j'ai retrouvé mon niveau. Quelle bouffée d'oxygène! J'ai donc eu la chance de conserver mes deux passions, la médecine et l'escrime, et de les combiner dans ma pratique, même si la médecine générale m'attirait davantage par son approche globale de la personne.
Vous êtes déjà médaillé paralympique. Parlez-nous de ces aventures et des prochains JO que vous vous apprêtez à vivre à Paris.
Maxime Valet: J'ai disputé mes premiers Jeux à Rio, en 2016, où j'ai remporté deux médailles de bronze, l'une en individuel, l'autre en équipe au côté de ma femme, également qualifiée en escrime. C'était beaucoup plus festif que les JO de Tokyo de 2020, en pleine pandémie, sans spectateurs, où l'on a aussi décroché le bronze en équipe. Cette année, les épreuves se dérouleront à Paris sous la coupole du Grand Palais. J'ai 36 ans, et on dit souvent que c'est le meilleur âge pour l'escrime, car c'est un sport qui demande de la stratégie et de la maturité. Je dois quand même m'accommoder d'une certaine usure, ce n'est pas facile.
Comment parvenez-vous à concilier vos vies de sportif de haut niveau, de famille et de médecin?
Maxime Valet: La préparation des Jeux est difficile en ce moment. Avec mes deux petites filles de 2 et 4 ans, la vie de famille bouscule forcément les priorités, et je trouve plus dur de m'éloigner pour les stages de préparation. Mais, professionnellement, c'est très cohérent, notamment parce que j'accompagne au Creps (centre de ressources, d'expertise et de performance sportive) des athlètes qui se préparent aussi pour les JO. Et j'ai la chance de bénéficier d'aménagements de mon temps de travail pour m'entraîner. Sinon, ce serait impossible.
Vous exercez dans le haut niveau. Votre pratique vous permet-elle de communiquer sur l’importance du sport pour tous?
Maxime Valet: Je m'y emploie en faisant régulièrement des interventions en entreprise et dans les écoles pour sensibiliser des publics très différents à l'importance de l'activité physique et à l'image du handicap. J'interviens aussi dans les centres de rééducation afin de montrer que l'on peut vivre en situation de handicap et finir ses études, avoir un métier qui plaît, une vie affective et de famille, justement en restant en bonne forme physique. Cela aide les jeunes, brisés par un accident ou la maladie, à se projeter dans un avenir positif.
Le sport, c’est bon pour tout, dit-on. Vraiment? Quels sont pour vous les atouts les plus salutaires?
Maxime Valet: C'est compliqué d'établir une hiérarchie, car les bénéfices sont multiples et systémiques, à la fois sur le plan physique, mental et social. Tout compte pour prévenir les maladies favorisées par la sédentarité et assurer la pleine santé. Si le renforcement de l'activité physique quotidienne est essentiel, par la marche ou le vélo, il est bon d'essayer d'aller un peu plus loin pour se défouler davantage, et se dépasser un peu, par un footing prolongé de quelques minutes, par exemple. Et fréquenter un club permet aussi de rompre la solitude et la sédentarité.
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Comment faciliter la pratique de l’activité physique et du sport pour les personnes touchées par un handicap ou la perte d'autonomie?
Maxime Valet: En France, seulement 1,3% des clubs de sport sont inclusifs, organisés de façon à proposer une pratique sportive adaptée au handicap. Trop peu nombreux, ils sont éloignés des bénéficiaires potentiels, qui peuvent avoir du mal à se déplacer. L'organisation des JO, en particulier paralympiques, suscitera sûrement des vocations, et la recherche de solutions pour élargir l'accueil de ce public, mais aussi de toute personne entravée dans sa mobilité. Espérons-le… En attendant, on peut penser aux dispositifs existants, comme l'activité physique adaptée (APA) pour les personnes touchées par la maladie notamment, encadrée par un kiné ou un animateur sportif formé à dessein. Très sécurisant.
À quand le sport-santé remboursé?
Maxime Valet: Le plan de financement 2024 de la Sécurité sociale ne prévoit de le rembourser systématiquement que pour les patients souffrant de cancer, alors que des millions d'autres personnes éligibles au sport sur ordonnance en ont aussi un besoin vital. C'est médicalement et humainement regrettable, et c'est un mauvais calcul économique, car le coût de la prévention des risques santé par le sport est toujours inférieur à celui de la prise en charge des pathologies aggravées. On a tous besoin de bouger, plus encore en cas de fragilité.
Maxime Valet: Ses dates clés
18 mai 1987 Naissance à Toulouse.
2009 À la suite d'un accident, il est paralysé.
2016 Médaille de bronze aux Jeux paralympiques d'été à Rio en individuel.
2021 Médaille de bronze en équipe aux Jeux de Tokyo.
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