Je l'ai vécu. Marie-Pierre: "Je n'arrive pas à accepter l'idée de devenir une source d'inquiétude pour mes enfants"

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"L'annonce de mon cancer, au mois d'avril dernier, a été un véritable tsunami. Je me revois dans le cabinet du chirurgien, le cœur serré de peur. Je l'entendais me dire que les résultats d'analyse n'étaient pas bons et que je n'avais pas un simple kyste au sein, mais bel et bien une tumeur infiltrante... sans vraiment l'entendre. J'étais sonnée, anesthésiée. C'était comme si une vague géante avait brusquement déferlé sur moi et m'avait mise KO. Je n'arrivais même pas à me concentrer lorsqu'il égrenait tous les examens (radiographie du thorax, scintigraphie osseuse... ) stressants que j'allais encore devoir passer, dans les jours suivants, afin de savoir jusqu'où le mal s'était propagé. Quelques semaines plus tôt, j'avais senti une boule relativement volumineuse et dure dans mon sein gauche, en prenant ma douche, et j'étais allée voir mon gynécologue qui m'avait immédiatement envoyée faire une mammographie, suivie d'une biopsie.
Comme il n'y avait jamais eu aucun cas de cancer dans ma famille, j'étais plutôt sereine et détendue en allant chercher les résultats, ce jour-là. Ce rendez-vous n'était pour moi qu'une simple formalité. Je n'imaginais pas qu'il allait y avoir un "avant" et un "après" et que mon monde allait s'écrouler comme un château de cartes, en une phrase de l'oncologue.
Ça m'a touchée de voir qu'il faisait à ce point bloc avec moi
En rentrant chez moi, je me souviens m'être roulée en boule sur le canapé, deux ou trois heures durant, pour pleurer. Je ressentais un besoin presque animal de me terrer dans la solitude, afin de laisser retomber l'intensité des émotions qui m'assaillaient. J'ai ensuite appelé le père de mes enfants et lui ai demandé de venir à la maison. Je pensais avoir trié toutes les informations que j'avais reçues et réuni mes forces pour lui annoncer la nouvelle, sans l'affoler, mais j'avais tellement de difficulté à prononcer le mot "cancer" que Vincent a eu du mal a saisir la gravité de la situation. Lorsqu'il a compris, mon ex-mari m'a prise dans ses bras et m'a serrée très fort. J'ai vu des larmes et lu la peur - de la mort? - dans ses yeux, mais il ne s'est pas effondré, pour ne pas ajouter son angoisse à la mienne. Il m'a juste dit qu'il se battrait avec moi contre ce crabe et qu'on finirait tous les deux par avoir sa peau. Ça m'a touchée de voir qu'il faisait à ce point bloc avec moi, en dépit de tous les accrochages que nous avions eus et qui avait conduit à notre rupture, cinq ans plus tôt.
Comment le dire aux enfants?
La question de "quand et comment le dire aux enfants" s'est posée immédiatement. Vincent voulait réunir nos enfants, qui habitent au quatre coins de la France, au plus vite. Il était même prêt à endosser le rôle de messager, mais j'ai refusé, car j'ai toujours pensé que c'était à moi, et à moi seule, qu'incombait cette tâche. Le problème est que je n'y arrive toujours pas. Je me sens pas prête à leur dire quelque chose qu'ils ne veulent pas entendre et qui va, à coup sûr, ébranler leur quotidien. Je sais que vais pas pouvoir repousser l'échéance éternellement, car mes traitements vont bientôt commencer - la chimiothérapie va me faire perdre mes cheveux, mes ongles, et je ne pourrai alors plus leur cacher la vérité -, mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de les préserver le plus longtemps possible. Car l'idée de les voir affectés, de devoir répondre à leurs questions et, surtout, de devenir une source d'inquiétude pour eux me bouleverse. Pour l'heure, je préfère encore me taire un peu pour ne pas donner corps au cancer. Tant que je ne leur annonce rien, je ne suis pas malade. Du moins dans leurs yeux".
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